Vierge embrassant lenfant qui tient une pomme
h./t.; 0,34 x 0,285 (coupé sur les côtés).
Voici une peinture sans identité lors de sa présentation dans une galerie parisienne. Elle y était attribuée à l École vénitienne, fin XVIè siècle. Une bonne étude commence par lexamen de luvre, si possible directement, ce qui était évidemment possible alors.
ÉTAT PHYSIQUE DE LOBJET DE LÉTUDE
Notre peinture a souffert. Cest particulièrement évident pour les carnations de lEnfant Jésus, et notamment pour ses jambes
Cette dureté pourrait être le fait de la copie. Dautres détails plaident en faveur dune main dégagée de ce type dasservissement (étant entendu quune réplique autographe nappartient pas à la catégorie des copies, lartiste qui se répète gardant la liberté de facture et de variation). La souplesse avec laquelle le peintre suggère le poignet de la manche gauche, lattention portée à diversifier les textures de la robe, du manteau ou du foulard autour du cou, et ce quil reste du rendu des volumes selon la lumière sont les gages dun homme qui travaille de son fait.
Au cours de la restauration (faite par Dominique Dollé), il a été constaté que la peinture avait été probablement réduite sur les côtés, et quentre autres, le fond avait été entièrement repeint, masquant le dossier de la chaise sur laquelle la Vierge est installée. Tout cela conduit à dire que nous sommes en présence dun ouvrage de qualité, dont la solidité, malgré lusure du temps, demeure.
DISCUSSION DE LATTRIBUTION ANTÉRIEURE
Pour quelle raison a-t-elle été située autour de Venise à la fin du XVIè siècle? La composition en oblique, peut-être, à la Véronèse, ainsi que le fantôme dune lumière dorée, plus ou moins évaporée avec les glacis, mais que le rouge acidulé de la robe ou le blanc tirant sur le jaune (ce qui nest pas dû au vernis) du vêtement apparaissant sous cette robe et des rehauts sur le manteau bleu de la Vierge laissent encore percevoir.
Toutefois, le coloris, laccord des tons, couleurs primaires assez franches, posées de façon unie sur les vêtements, nont guère à voir avec Venise à la fin du Cinquecento. Limpression oriente plutôt vers le XVIIè siècle et Rome (lart dun Pierre de Cortone, par exemple), ou un artiste ayant connu Rome alors.
Si loblique peut être qualifiée de vénitienne, le caractère très géométrique de la composition (cercle enveloppant, horizontale table-mains de la Vierge-genou droit de lEnfant, croisant la verticale menton de Marie-flanc gauche puis jambe droite de Jésus) trahit létude attentive de Raphaël dont lartiste sinspire évidemment ici (en particulier de la célèbre Vierge à la chaise alors aux Offices de Florence, aujourdhui au Palais Pitti). Manifestement, notre homme en a retiré un sens de la retenue (qui le distingue, par exemple, du baroque dun Cortone) que lon rattache souvent à lart français du XVIIè siècle.
PRÉCISER ENCORE
Il serait imprudent den dire plus sur lattribution sans procéder à des recherches précises. Celles-ci me furent facilitées, en loccurence, par le fait que la composition est dûe à lun des artistes que je fréquente le plus assidûment : Jacques Stella. Elle a été gravée (en sens inverse, en conséquence du procédé de la gravure) par Jean Couvay et lestampe a été publiée par Claude Vignon, avec la mention Jac. Stella invent.. Fait amusant, je ne disposais pas de la photographie de la gravure au moment de lexamen : je lavais confiée à la Gazette des Beaux-Arts pour larticle paru en 1994.La reproduction, ici, inverse lestampe.
La confrontation confirme la réapparition de la chaise lors de la restauration; la présence dans la version gravée dun drapé est peut-être un ajout du graveur : cest un procédé courant dans ce genre de transcription, qui évoque autant laspect théatral du spectacle présenté que ces petits rideaux que les amateurs du temps installaient pour protéger leurs peintures les plus estimées. La Vierge est plus fluette de visage dans le tableau, et les deux expressions y semblent plus inquiètes; ce qui concorde mieux avec le rôle du fruit, qui rappelle le péché originel dont la Vierge est exempte et que le Christ vient racheter par son sacrifice. La plus grande souplesse de la main qui peint dans les détails, malgré lusure, confirme lintervention de l inventeur (qui a eu lidée de la composition).
Historique
uvre en rapport : Gravé par Couvay daprès Stella, édité par Claude Vignon (Virgo Adoranda...; J. Stella invent.; le privilège utilisé par Vignon date du 31 décembre 1638 ou du 17 juin 1639). Exemplaire de la B.N.F. : Da 20 fol., p. 3.
Bibliographie : Mariette, n. mss., VIII; Le Blanc 1856, Manuel de lamateur destampe, II, Couvay n°10; Sylvain Kerspern, Jacques Stella ou lamitié funeste, Gazette des Beaux-Arts, octobre 1994, p. 117-136.
Proposition : Jacques Stella.
Voici à quoi correspond le forfait approche (voirtarif); : lessentiel tient à la situation de luvre. L esquisse et le portrait complètent lapproche de lattribution (à un artiste, une école, une époque...), la lecture analytique de lobjet des recherches et son iconographie. La différence tient essentiellement au temps passé et aux compétences employées en matière de recherche documentaire, peut répondre à limportance de luvre étudiée. Tout ceci conditionne lampleur du rapport remis.
Courriel : skerspern@hotmail.com; sylvain.kerspern@tiscali.fr.
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